Les médecins chinois ont depuis longtemps constaté que la santé de chaque individu dépendait de l’équilibre interne entre les deux polarités Yin et Yang, mais aussi de l’harmonie qu’il entretient avec tout ce qui l’entoure. A la question  « Pourquoi tombe t’on malade ? » la tradition chinoise répond d’une manière tout à fait différente de la médecine occidentale. Cette question ramène à une notion fondamentale de la pensée chinoise, celle de l’harmonie et de l’équilibre. Équilibre entre le repos et l’exercice, équilibre dans l’alimentation, équilibre émotionnel…

En MTC, on parle de 3 catégories de facteurs favorisant la maladie : l’environnement, l’attitude émotionnelle et le mode de vie. Mais bien que l’un ou l’autre parmi ces facteurs puisse être présent en début de maladie, ce facteur n’est jamais perçu comme étant séparé de la maladie. C’est un des multiples signes et symptômes qui entrent dans la toile du diagnostic du médecin traditionnel chinois. Un facteur pathogène ne devient nuisible que lorsque le corps a une relation inadéquate avec lui.

Les perversités externes

Lorsque le corps est affaibli par un déséquilibre entre le yin et le yang, un phénomène climatique peut envahir le corps et devenir un facteur pathogène. Le corps subit alors un conflit entre ce facteur pathogène et le Qi normale. Si le Qi protecteur est fort, le facteur est chassé et l’individu récupère la santé. Mais si le Qi est faible ou si l’influence perverse est trop forte, la maladie se développe et pénètre en profondeur.

Les agressions climatiques sont au nombre de six (Lui Yin) : le vent, l’humidité, le froid, la chaleur, la canicule et la sécheresse. Elles peuvent passer la barrière cutanée et entrer en profondeur dans l’organisme pour donner des déséquilibres. Ces perversités climatiques peuvent se combiner par deux. Chaque personne est sensible à un certain climat atmosphérique en fonction de sa typologie.

Le vent Feng est à la fois le mouvement lui-même et ce qui met en mouvement ce qui autrement serait calme. Il fait que les choses apparaissent et disparaissent rapidement. C’est un phénomène yang. Il est associé au printemps ainsi qu’au foie et à la vésicule biliaire.

La chaleur Re, ou Le Feu Huo, possède des caractéristiques chaudes et actives, c’est donc un phénomène yang. Elle est associée à l’été, au cœur et à l’intestin grêle. Elle génère du feu dans l’organisme et est responsable des pathologies inflammatoires et de la fièvre.

L’humidité Shi est lourde, lente et lancinante. Elle tend à faire descendre les choses. Elle est donc Yin. Elle est liée techniquement à ce que les chinois nomment « le long été » (l’été indien), mais en définitive elle est associée à un climat humide en toute saison. La rate est particulièrement sensible à l’humidité.

La Sécheresse Zao ou Chaleur de l’été Shu est un phénomène yang associé à l’automne. Elle correspond à la déshydratation, la rougeur et la chaleur. Elle perturbe le poumon et le gros intestin.

Le Froid Han est un phénomène Yin. Il fait se contracter les choses et empêche les mouvements normaux. Il est associé à l’hiver, au rein et à la vessie. Il gèle les choses, ralentissant les mouvements et diminuant l’activité.

Généralement les conditions climatiques n’ont pas d’effets pathologiques. La chaleur en été et le froid en hiver sont des choses normales. C’est lorsqu’ils deviennent excessifs ou lorsque le corps est faible que les facteurs climatiques peuvent devenir la cause de maladies, ces perversités vont faire décompenser la personne.

La plupart du temps le vent est incontournable.  Il peut être associé à l’humidité, au froid, à la sécheresse ou à la chaleur. L’association vent-froid-humidité favorise par exemple les douleurs rhumatismales. Pour « chasser » le vent, il faut que le sang circule bien. Au niveau thérapeutique, il est donc conseillé de réaliser des techniques vigoureuses et circulatoires qui réchauffent le froid et drainent l’humidité.

Les cent maladies sont développées à partir du vent. Le vent est adepte du mouvement et des changements nombreux. Parce qu’il est léger et aérien il atteint d’abord les parties supérieures.

Le Nei Jing

Les perversités internes

Les praticiens chinois ont toujours reconnu que les facteurs émotionnels jouent un rôle dans la santé et dans la maladie. La vie émotionnelle ne peut être séparée de la vie physique. En effet, de l’intérieur, les émotions peuvent finir par somatiser dans le corps. L’intérêt pour la trame psychologique d’un patient doit faire partie de l’examen physique.

Selon le Nei Jing il existe cinq émotions Wu Zhi : la joie Xi, la colère Nu, le souci Si, le chagrin You et la peur Kong. Le Nei Jing évoque également les sept sentiments Qi Qing. Il s’agit des cinq émotions auxquelles s’ajoutent la tristesse Bei et la frayeur Jing.

La peur et la frayeur vident le rein et la vessie (somatisation sur les genoux)

Émotions indispensables car rattachées à l’instinct de conservation. Elles sont un signal d’alarme qui nous prévient et nous préserve d’un danger. Elles ont une fonction de protection et de garde-fou.

La tristesse et le chagrin vident le poumon et le gros intestin (somatisation dans les épaules)

Phénomènes normaux qui soulignent notre attachement à quelqu’un ou quelque chose. La tristesse est aussi l’énergie de la compassion qui n’est rien d’autre que la capacité d’éprouver de la peine pour la souffrance d’autrui.

La rumination vide la rate, le pancréas et l’estomac (somatisation sur l’estomac)

Lorsqu’elle est bien gérée cette émotion ne correspond pas aux soucis (négatif), mais à la réflexion (positive). Il s’agit de gérer les informations disponibles, d’analyser une situation donnée afin d’en tirer des conclusions pour l’éventuelle résolution d’un problème ou l’adaptation à des circonstances nouvelles. Lorsqu’elle se dérègle, elle devient obsession, elle tourne en rond et prend une grande partie de notre énergie mentale.

La joie intervient sur le cœur et l’intestin grêle (somatisation sur la sphère artérielle)

Émotion de la santé et de l’harmonie par excellence. Mais elle peut être inappropriée et se manifester comme une excitation joyeuse ponctuée de rires disproportionnés et/ou incontrôlés et qui parfois se déclenchent sans raison apparente. La personne va agir de manière désordonnée, déraisonné et incohérente.

La colère vide le foie et la vésicule biliaire (somatisation sur la digestion)

La colère permet de mettre en branle les énergies de contre-attaque, de réaction, de défense contre une menace, un obstacle, une difficulté. Si elle n’est pas correctement gérée, elle va provoquer des comportements violents, irraisonnés, dangereux et finalement la perte du contrôle de soi.

Chaque émotion est une réponse adaptée en fonction de la situation. C’est le déséquilibre menant à l’inadéquation entre la stimulation affective et la réponse attendue qui est responsable du stress. Les asiatiques ne jugent pas les sentiments comme bons ou mauvais mais plutôt comme adaptés ou inadaptés. Ce sont donc les excès qui sont néfastes et non pas les émotions en elles-mêmes. Il est normal et souhaitable d’avoir peur à l’approche du vide mais pas d’avoir peur à la moindre inconnue dans notre environnement. Il est normal et sain d’être triste lorsque l’on perd un être cher, mais pas s’enfermer dans le deuil plusieurs années. Il est normal et utile d’être en colère lorsque nous subissons une injustice, mais pas de se sentir attaqué à la moindre remarque de l’entourage … La solution se trouve dans l’adaptation dynamique du psychisme à une problématique.

L’observation montre que lorsque le stress favorise une pathologie on peut préciser traditionnellement le type d’émotion et l’organe touché par la somatisation. Mais il ne faut pas oublier que la culture, l’éducation et les représentations sociales tiennent une place importante dans la somatisation possible d’une personne. C’est pour cela qu’il faut prendre ces indications comme des marqueurs potentiels du stress à prendre en considération en fonction du contexte et non comme des certitudes absolues.

Ne pas s’inquiéter d’un problème quand il n’est pas encore manifesté, ne pas trop s’inquiéter lorsqu’il se manifeste et ne pas s’y accrocher après qu’il soit passé.

Proverbe populaire chinois

Le style de vie

Les chinois, comme dans beaucoup d’autres cultures, ont accordés une grande importance à la manière dont les gens mènent leur vie. Leur idéal serait de vivre en harmonie avec l’univers et ils affirment qu’ainsi serait atteinte l’harmonie interne.  Un style de vie peut être à la fois un facteur de maladie et une manifestation de la dysharmonie elle-même.

L’alimentation

Les facteurs froid, humidité, chaleur, sécheresse peuvent être favorisés à l’intérieur de l’organisme par l’alimentation. Chaque aliment possède des vertus en rapport avec ces différents facteurs et une consommation immodérée ou inadéquate à la constitution de l’individu peut le fragiliser. Des irrégularités dans les quantités ou dans la qualité de la nourriture, dans les rythmes ou l’ambiance au moments des repas peuvent rompre l’harmonie corporelle. De même, une préférence pour certains types d’aliments peut également entraîner une dysharmonie.

L’alimentation est question d’équilibre. Tout est bon, tout est mauvais. Un aliment positif pour la santé pris en excès peut devenir nocif. De plus tout dépend de l’équilibre énergétique de la personne au moment de l’ingestion. Chaque aliment trouve une indication par ses qualités chaude, humide, froide ou sèche.  Bien avant les découvertes en biologie cellulaire, les asiatiques avaient compris l’intérêt pour l’homme de manger sainement. Pour eux, l’homme énergétique est en équilibre entre ciel et terre ; il se nourrit du ciel par la respiration et de la terre par l’alimentation. Actuellement, les théories micro-nutritionnelles ont beaucoup fait évoluer notre approche de la santé publique et tout le monde est de plus en plus conscient de l’importance de l’alimentation.

L’activité sexuelle

Dans les textes médicaux chinois, l’excès d’activité sexuelle est considéré comme un facteur déclenchant de maladie. Les excès ont la réputation de blesser le Jing des Reins. Un trop grand nombre d’accouchements affaiblit également le Jing et le Sang.

Dans les textes chinois, l’activité sexuelle est appelée « les affaires de la chambre à coucher » et l’activité « excessive » n’est jamais clairement définie. Il en est ainsi parce que les « affaires de la chambre à coucher » appartiennent à la fois au domaine de la médecine et de la société en générale.

L’activité physique

L’activité physique comprend l’activité de la vie en général. Toute l’activité vitale devrait tendre vers un équilibre harmonieux avec le cosmos, les saisons, l’état propre de l’individu et le stade de sa vie. Les moments yang (matin – printemps – jeunesse) devraient être des périodes actives de la vie, les moments yin (soir – hiver – vieillesse) devraient être des périodes calmes.

L’activité physique est importante pour harmoniser le flux du Qi et du Sang et développer la force dans le corps. Toute fois un excès de travail ou de repos est néfaste. De même, la sur utilisation d’une partie du corps peut conduire à la faiblesse ou à la dysharmonie.

Une bonne alimentation peut évacuer les facteurs pathogènes, apaiser les viscères, inspirer l’esprit et renforcer le Sang et le Qi.

  Sun Si Miao

La médecine chinoise se veut holistique, elle ne traite pas l’individu en tant que différents segments souffrant de diverses maladies, mais plutôt l’homme dans ses rapports avec son entourage. Elle est donc basée sur l’idée qu’aucune partie ne peut être comprise si ce n’est dans sa relation à l’ensemble. Une personne en harmonie n’a pas de symptômes qui dérangent, et exprime un équilibre mental, physique et spirituel. La maladie n’est que le reflet d’un déséquilibre entre l’homme et la nature. Ce déséquilibre peut venir de l’extérieur (perversité externe) mais aussi de l’intérieure (perversité interne).

Identifier les causes du déséquilibre est fondamental. Si une personne  présente un symptôme il faut comprendre comment ce symptôme se situe dans l’ensemble du modèle corporel de ce patient. Il ne s’agit pas de traiter simplement un symptôme mais d’en comprendre les mécanismes, d’analyser les causes pour œuvrer sur la racine même du désordre.

Comprendre la médecine chinoise, Ted J. KAPTCHUK

Troubles psychiques en médecine chinoise, P. SIONNEAU

La diététique du Tao, P. SIONNEAU – R. ZAGORSKI

La médiation sinokinétique, Wilfrid Delamer